L'ère des robots (suite)

Publié le par Quelles Nouvelles ?

Poursuivant sa réflexion sur l'imagination artificielle, Albert Ducrocq imagine ensuite les applications envisageables si l'on transforme Calliope en "transcripteur" :

« Sera-t-il possible, par ce subterfuge, de créer un style "à la manière de" ? Par exemple, peut-on produire artificiellement un texte ressemblant à du Bossuet, du Chateaubriand ou du Proust ? Nous croyons assurément en une telle possibilité dès l’instant où précisément les œuvres des écrivains auront été analysées logiquement, de telle sorte que l’on aura pu dégager leur matrice d’expression pour fournir au transcripteur une matrice élaborée sur le même modèle. On obtiendra alors des textes de Bossuet ou de Chateaubriand parlant des sujets que ces auteurs aimaient traiter. Mais si – au prix d’une légère déformation de la matrice – on introduit des conditions supplémentaires, on pourra obtenir des discours traitant d’un sujet déterminé au point d’obtenir un écrit de Napoléon parlant des bicyclettes – en pur style Napoléon – aussi bien que des réflexions de Cicéron sur l’aviation et le moteur à réaction.

Quelque peu déroutante au premier abord, une telle perspective n’a rien qui doive surprendre. Toute l’œuvre des écrivains disparus ne tient en effet qu’en des mots, ou plutôt – car ces mots furent employés universellement en bien d’autres occasions – en l’établissement de connexions déterminées entre ces mots, leur mérite étant d’avoir su incarner leur pensée au moyen de telles connexions, la matrice d’expression qu’ils nous ont laissée ayant ainsi une valeur intrinsèque dont le véritable cadre serait celui du langage absolu. Or, l’immortalité de leur œuvre n’apparaîtra que plus extraordinaire, si elle peut être prolongée au moyen de la machine. Bien plus : nous pensons qu’il sera un jour possible d’intégrer toutes les matrices d’expression des penseurs de tous les temps dans un vaste système, les différentes expressions consignées étant la description de mêmes vérités vues sous des référentiels différents.

Mais avec Calliope, rien n’interdit d’aller au-delà de ce domaine de la pure littérature artificielle où nous nous sommes jusqu’ici cantonnés. On peut en effet demander aussi bien à la cellule de hasard de fournir les éléments d’une situation à partir de laquelle le romancier n’aurait qu’à laisser divaguer sa propre imagination. Par exemple, la cellule de hasard repèrera un lieu sur une carte, n’importe où dans le monde, comme elle inventera les personnages d’une famille, leur caractère et l’intrigue… et il ne restera plus à l’auteur – s’il veut quand même faire œuvre personnelle – qu’à utiliser ces éléments. »

L’Ère des Robots, Albert Ducrocq, Julliard, 1953

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Il faut maintenant que je vous laisse : Calliope réclame un nouveau verre de gin et je dois obtempérer si je veux qu'elle vienne à bout de ma prochaine nouvelle.

Publié dans Bonnes nouvelles !

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S
Rassurez-vous, charmante Coccinelle, j'envisage - sérieusement - une petite visite de courtoisie, pas un séjour au long cours !
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C
Ce n'est qu'un jardin, pas un parc ! Mais la visite finira bien par se faire un beau jour... Le marché n'est loin. Vite trouver un robot pour me donner le coup de mains. Avec s "main" ? ;)
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S
Nooon ! Vous avez un jardin ET un hamac ? A BXL ?<br /> N'en jetez plus, ou je vais m'inviter chez vous !
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C
Un robot qui passerait l'aspi et que Monsieur puisse lire sa gazette en paix pendant que je téléphone à ma petite soeur ; un autre qui débarrasserait la table du jardin après la visite des copines et des copains ; un autre qui ferait le lit le matin, et surtout un dernier robot qui se dévouerait pour repasser le linge pendant que moi je me prélasserais dans le hamac avec un livre... Un robot, je veux bien !
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S
@Magda. Merci de tes voeux !<br /> Ne t'inquiète pas : tu es peut-être blonde, mais tu n'es pas blonde, loin de là !<br /> Bien sûr que je peux te le prêter - tu verras, c'est marrant, ils reproduisent même des oeuvres d'art en langage binaire !<br /> Je serai de retour à Paris le 03 septembre.
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