Trop beau pour être vrai
J’ai un mari honnête. Trop honnête.
Trop poli, trop gentil !
Trop tout.
De temps en temps j’ai envie de l’embêter. Juste pour voir.
Je le prends, et puis je le remue, je le secoue, je le bouscule.
Il ne dit rien. Ou bien il rit : « Aïe ! tu me chatouilles. »
Ça lui fait si peu d’effet que ça en devient vexant.
Alors j’essaie de le piquer au vif. Juste pour voir.
Je le traite de gendre idéal, de Picasso mal léché, d’erreur de la nature, d’aberration chromosomique, d’irradié de Tchernobyl, de phénomène de foire…
Ça le blesse bien un peu, il boude dans son coin mais il cicatrise vite.
Alors j’essaie de lui faire vraiment mal. Juste pour voir.
Je le pince, je le mords, je lui tire les cheveux qu’il n’a pas très longs.
Il oublie vite.
Moi pas. Je suis rancunière. Je retiens TOUT.
Les bouquets de fleurs, les bisous dans le cou, les pique-niques-surprises.
Les portes ouvertes devant moi, les chaises glissées sous mes fesses, les couettes remontées sur mes épaules.
Il m’énerve il m’embarrasse il m’encombre. Il est trop poli, trop gentil !
Trop tout.
J’en ai marre de jouer avec. De toute façon, il est tout cassé maintenant.
Je le jette.
Mon mari honnête. Ma marionnette.